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Executive Education

Création de valeur : ce que Schneider Electric, Air Liquide et Deloitte révèlent sur la transformation du business development

Comment réinventer la relation client dans un monde en mutation ? À travers des stratégies audacieuses, Schneider Electric, Air Liquide et Deloitte montrent qu’intégrer la création de valeur dans chaque interaction commerciale redéfinit le rôle des forces de vente. Dominique Rouziès, professeure à HEC Paris, et directrice académique du certificat exécutif "Business Development" partage sa vision des leviers à activer pour bâtir des relations plus riches et durables, au bénéfice des clients, des entreprises et de la société.

Vous insistez sur la vente de valeur dans vos enseignements. Pouvez-vous partager un exemple concret où cette approche a transformé la performance commerciale d’une entreprise ?


Dominique Rouziès : Selon les experts, la vente fondée sur la valeur est aujourd'hui indispensable sur les marchés B2B. Le domaine médical est sans doute l’un des secteurs où l’on considère que ce changement de paradigme est improbable. 

 

 

Pourtant, Air Liquide Healthcare par exemple, prouve le contraire avec son adoption d’une approche centrée sur le patient et fondée sur les principes de la valeur en santé. 

 

 

Acteur mondial des gaz médicaux, des prestations de santé à domicile et des ingrédients de spécialité, Air Liquide Healthcare a adopté cette approche afin d’améliorer les résultats de santé et de qualité de vie pour chaque patient au meilleur coût pour la société. Cette approche innovante et orientée vers la personnalisation des soins, repose sur la gestion optimale des données et vise à relever les défis auxquels sont confrontés les systèmes de santé. Dans cet écosystème où sont rémunérés les résultats de santé et non les actes de santé, le rôle des commerciaux évolue : les commerciaux interagissent avec de nouveaux interlocuteurs, tant chez leurs clients qu'au sein de leur propre entreprise, changent de perspective et élaborent des propositions de valeur dans ces nouveaux environnements.  

Vous invitez les participants à travailler sur les courbes de valeur. Pourquoi cette approche est-elle clé pour aider les entreprises à se démarquer et à capter de nouvelles opportunités de croissance ?


Les leaders commerciaux éprouvent souvent des difficultés à transformer la nature des échanges de leurs commerciaux avec leurs clients. Dans la plupart des cas, ces derniers veulent être conseillés, aidés, soutenus pour faire face à leurs défis. Malheureusement, les commerciaux restent trop souvent englués dans les négociations de prix et la description de leurs produits ou services. 


Grâce à l’approche fondée sur l’analyse des courbes de valeur, les participants sont en mesure d’appréhender ce que les clients valorisent dans leurs offres et celles des concurrents. De plus, la visualisation de ces courbes permet d’aligner facilement les équipes commerciales sur une même compréhension du marché et une même trame narrative. Les commerciaux comprennent mieux les objectifs des histoires qu’ils doivent construire autour de cette même vision pour démontrer la supériorité et la différenciation de leurs offres.

Les organisations passent d’un focus produit à un focus client. Comment ces transformations influencent-elles les attentes envers les commerciaux ? 


En matière de vente, l'objectif n'est plus tant de négocier les prix que d'offrir, en collaboration avec d'autres parties prenantes, des propositions de valeur aux clients. La voix du client est désormais primordiale et s'exprime à travers les commerciaux. Ce changement de perspective entraîne inévitablement des évolutions au sein des organisations commerciales, telles que le développement de collaborations interfonctionnelles, la suppression des silos organisationnels, la réorganisation des équipes commerciales par client plutôt que par ligne de produits, la montée en puissance de la connaissance client à 360°, la rémunération des commerciaux en partie liée à la satisfaction client, et plus généralement, un changement de culture commerciale


Par exemple, Engie a récemment accéléré son focus client en mettant sur pied un modèle intégré où les commerciaux disposent de connaissances pointues sur chaque client. 

Le Groupe a développé les activités commerciales transverses, où les clients sont au centre des attentions afin de créer des services entièrement personnalisés.  Ces activités commerciales inter-BUs sont devenues plus efficaces sans remettre en cause la cohérence entre les BUs. 


Pour les nombreuses entreprises qui mettent en place de telles métamorphoses, les attentes envers les commerciaux s’orientent vers le développement de contacts situés à des niveaux de responsabilité plus élevés dans l’organisation des clients et vers de nouveaux partenaires. Ces nouveaux contacts impliquent des conversations avec les clients et partenaires d’un autre type grâce auxquelles des relations de confiance sont tissées pour comprendre en profondeur les enjeux des clients. C’est sur cette base qu’il est possible de cocréer la valeur.


Vous insistez sur la 'smart collaboration' dans vos enseignements. Pouvez-vous partager un exemple concret où cette approche a transformé la performance commerciale d’une entreprise ?

Dans toutes les entreprises où les expertises des collaborateurs constituent des éléments clés de leur succès, se pose généralement la question de la smart collaboration. En effet, la nature des problématiques est devenue volatile, incertaine, complexe et ambigüe si bien qu’il est impossible qu’un seul type d’experts y répondent. C’est donc bien l’expertise collective, savamment combinée, qui permet de proposer des solutions innovantes avec l’aide d’un nombre croissant de parties prenantes. Ceci est notamment le cas des entreprises de services professionnels (cabinets d’avocats, de consultants, de comptables, etc.) où on a montré que l’intégration des expertises et des compétences permet d’obtenir des résultats très supérieurs à la somme des résultats obtenus séparément par les expertises et compétences en question.

Deloitte France par exemple, promeut un modèle similaire qui combine et transcende les différentes expertises pour répondre aux enjeux des clients avec des solutions sur mesure et innovantes. 

Ce modèle s’appuie en outre sur des alliances pluri-partenariales pour créer des écosystèmes qui permettent aux clients de renforcer leur cœur de métier.

L’IA joue un rôle croissant dans la sphère commerciale. Quels sont, selon vous, les outils ou approches les plus prometteurs pour aider les commerciaux à mieux engager leurs clients ? 


A titre d’exemple, tous les commerciaux de Schneider Electric seront bientôt équipés d’une solution Copilot pour accroître leur efficacité. L’IA est maintenant présente dans chacune des étapes du processus de vente au point où plusieurs experts parlent d’une « renaissance » de la vente, de commerciaux « augmentés », plus efficaces, plus efficients et déchargés des tâches routinières et à faible valeur ajoutée. 

D’ailleurs, Gartner prédit qu’à l’horizon 2028, l’IA accomplira environ 60% des tâches commerciales. Les commerciaux bénéficient déjà, grâce à l’IA, d’une aide pour améliorer la qualification des prospects, prédire leurs comportements et personnaliser les messages qui leur sont destinés.

 Avant de contacter les prospects, les commerciaux peuvent être équipés de dossiers synthétisant les informations les concernant avec des propositions d’approches créatives, le tout généré par l’IA. Les prises de contact peuvent aussi être automatisées, tout en étant personnalisées, avec le concours de l’IA. 

L’IA peut également jouer un rôle important au moment du face à face avec le client, grâce à une meilleure compréhension de son parcours et à l’analyse en temps réel des interactions avec le commercial. Après la vente, l’IA peut produire des analyses de la valeur à vie du client et établir des programmes de suivi. Le processus de vente devient plus transparent. Il existe donc de nombreuses pistes pour « augmenter » les commerciaux, mais comme pour toute approche technologique, il est indispensable d’interpréter les résultats des analyses et des recommandations et de gérer les exceptions.

Avec les transformations actuelles (IA, expérience client, technologies digitales), comment voyez-vous le rôle des commerciaux évoluer dans les 5 prochaines années ? Pouvez-vous citer un exemple concret d’entreprise qui a dû faire évoluer le rôle de ses commerciaux ?


On constate depuis plusieurs années déjà qu’en termes d’information, les rôles se sont inversés entre clients et vendeurs.  Les clients disposent de nombreuses sources d’information et sont déjà bien informés lorsqu'ils entrent en contact avec les commerciaux. Ces derniers doivent donc intervenir de plus en plus tôt dans le processus de prise de décision d’achat avec une connaissance pointue non seulement de leurs offres et de celles de leurs concurrents mais aussi des enjeux et du business de leurs clients et avec la capacité de développer et de cadrer une proposition de valeur pour leurs clients. En d’autres termes, chacune des interactions avec les clients doit être source de valeur


On voit également se dessiner de nouveaux profils de commerciaux grâce aux nouvelles techniques d'analyse issues de l'intelligence artificielle : au lieu de consacrer l’essentiel de leur temps aux tâches administratives, aux réunions, aux déplacements ou à la formation, les commerciaux disposent désormais d’outils leur permettant d’accroître très significativement le temps consacré à rencontrer leurs clients et leurs partenaires parce que les tâches routinières sont traitées plus efficacement. 


Par ailleurs, l’expérience montre que les transformations induites par l’essor des données ont de fortes répercussions sur les organisations commerciales. Citons l’exemple de Nefab, fournisseur global d'emballages industriels menacé au début des années 2000 par la commoditisation de son marché où émergeaient un nombre croissant de concurrents low cost. 

 

La stratégie de croissance fondée sur la valeur adoptée par Nefab a transformé la vente de cartons d’emballage standardisés en création de partenariats gagnants pour la planète. 

 

Cette stratégie vise à développer des solutions d'emballage et des services logistiques qui économisent les ressources financières et environnementales dans les chaînes d’approvisionnement de clients du monde entier. 

Inutile de souligner que les compétences requises pour ces deux activités sont très différentes et pourtant, l’un des leviers du succès de Nefab a été de miser sur l’ambidextralité. 

Dès le départ, Nefab s’est appuyé sur les liens de confiance tissés avec les clients par les commerciaux : c’est grâce à cette confiance que ces derniers ont pu aider leurs clients à leur fournir les données indispensables à l’élaboration des nouvelles propositions de valeur.

Si vous deviez décrire l’impact du certificat Business Development, que diriez-vous à un dirigeant ou un professionnel hésitant à s’inscrire ?


Ce programme vous permettra de relever les défis les plus urgents, d’acquérir de nouveaux outils et connaissances et de les appliquer dans votre entreprise. Vous serez en mesure de structurer votre réflexion pour : 

  • revisiter votre stratégie commerciale
  • améliorer la performance commerciale de votre organisation
  • mettre en œuvre les transformations qui s’imposent au sein de vos équipes commerciales dans ce nouveau contexte. 

     

La qualité des participants de ce programme vous permettra en outre de confronter vos idées à celles de leaders commerciaux issus d’autres horizons et opérant sur d’autres marchés que les vôtres, et ce, avec l’aide de l’équipe pédagogique d’HEC Paris, dont les programmes de formation continue ont de nouveau été primés cette année (numéro 1 mondial en formation individuelle dans le classement Financial Times 2024).

Dominique Rouziès (Ph.D., McGill University) est Professeure de Marketing at HEC Paris, où elle dirige l’Executive Certificate Business Development. Elle est également la Doyenne du BMI Executive Institute. Par ailleurs, elle est membre du Conseil scientifique du Groupe des écoles nationales d’économie et statistique (GENES) et du laboratoire de recherche CNRS-GREGHEC. 


Ses enseignements, travaux de recherche et de conseil sont principalement centrés sur l’amélioration de la performance des organisations commerciales. Son dernier ouvrage est consacré à la rémunération des forces de vente. Elle a récemment reçu le Lifetime Achievement Award pour ses travaux dans le domaine commercial ainsi que le prix de l’ Excellence in Research Award décernés par le Selling and Sales Management SIG de l’American Marketing Association pour son article sur la rémunération des commerciaux publié dans le Journal of Marketing. 


Publications récentes:
Segalla, M. and D. Rouziès (2023), “How to Be Ethical with People’s Data”, Harvard Business Review, July-August, 86-94.


Keshavarz, A., D. Rouziès, F. Kramarz, B. Quelin, M. Segalla (2024), “How Do Firms Value Sales Career Paths?”,  Journal of the Academy of Marketing Science, Volume 52, Issue 3, 762–788